L’are terreuse abritait plusieurs graines en cette intersaison longue, humide et contrastée. Tantôt le gel la rendait dure et impénétrable, tantôt le soleil la réchauffait tellement qu’elle s’en émiettait. En son cœur, tous ces aléas transformaient la métamorphose des graines en un processus implacablement impitoyable.
Ces pépites vertes perdaient en masse, en volume, en densité et voyaient des bouts d’elles-mêmes fins et ténus vouloir s’enfuir, dépasser la gaine, la coque, sortir de là vite alors qu’ils étaient encore si frêles, si fragiles et qu’ils devenaient cristallins, transparents, translucides sous la pression du froid au point qu’ils pouvaient par moment paraître pris dans une lente mais inexorable agonie.
Mais non… leur consistance à la fibre généreuse s’adaptait, s’assouplissant ou au contraire se trempant, devenant solide, voire tranchante à l’instar de ces lames rougeoyantes que le forgeron endurcissait en les noyant dans les bains d’eau bouillonnante.
Ainsi aguerries, les pousses repoussaient les grumeaux argileux, les gravillons sablonneux, les radicelles environnantes et traçaient leur chemin vers un extérieur libre, fait d’air, de vent et de mouvement.
Nous voici donc un jour de printemps, un de ces jours comme les autres, à la matinée fraîche et aux rossignols chantants. Les pousses ont poussé la croûte de l’are terrestre et elles sont là, nouvelles, les yeux écarquillés, se regardant elles-mêmes, se regardant les unes les autres et tout autour d’elles.
Elles virent des feuilles au vert tendre, disposées en petite rosette et à la forme dentelée. Elles semblaient nombreuses et de se voir ainsi multiples et entourées, elles se sentirent rassurées et confiantes. Elles étaient malgré tout intriguées que là-bas, dans le coin, au pied du mur, il y ait un espace encore vide. Elles s’inquiétèrent… Sûrement une de leur sœur qui n’avait pu résister à la rigueur du frimas et sous terre était restée. Elles en nourrirent une tristesse passagère, fugace, pensant que bientôt une des leurs viendrait la remplacer.
Mais leurs perspectives se virent ébranlées après plusieurs jours et plusieurs nuits où elles sentirent le poids des nuages, entendirent la rage de l’orage, et subirent la foudre de l’éclair sauvage.
Alors que péniblement elles avaient persisté dans leur élan vivace, préparant secrètement dans les replis de leur tige un épanouissement fracassant, quelle ne fut pas leur surprise un matin de voir là, à cet endroit où elles n’attendaient qu’une semblable, à cet endroit précis où bientôt zéphyr en poupe elles pensaient semer une akène et étendre leur domaine… quelle ne fut pas leur surprise de voir de fins fils pubescents se faufiler dans les rugosités du mur, et d’autres partir comme en conquête à ras du sol, s’accrochant à la moindre motte éparpillée.
Muettes de stupeur, les majoritaires décidèrent de faire front et d’étaler leurs atours. Elles s’y employèrent de toute leur vigueur et en termes de quelques heures, toute l’are se vit couverte de fleurs jaunes, souriantes, séduisantes, attirantes. Elles disaient à qui voulait les entendre : « Bonjour, je suis Florion d’or ; avec moi, vous connaîtrez joie, bonheur et chaleur ! »
Florion d’or était tout content ; il ravissait les regards, égayait les cœurs, grâce à l’éclat de son capitule victorieux.
Évidemment, leur attention étant accaparée, les passants oubliaient le petit coin, au pied du mur, où les discrets fils pubescents poursuivaient leur cheminement.
Tranquillement, dans un silence malgré tout volubile, de fines feuilles en triangle coupant se déployaient lentement, progressivement, partout où les fils avaient pu se frayer un passage aussi mince fût-il. Et à l’aube délicate d’une matinée sereine, Florion d’or se vit encerclé de corolles roses, très fines, qui éveillaient au coeur une sensation de grâce et de douceur subtiles.
Florion d’or interloqué en perdit sa couleur ; en une nuit, sa chevelure blanchit, ses pétales s’effritèrent, son cœur se durcit et il choisir de prendre le premier courant d’air pour essaimer sur d’autres aires.
Liseron aurait bien aimé le retenir, lui dire « Reste ! Tu vas voir ! Nos amies communes, les abeilles, danseront mieux grâce à nous deux et ensemble, nous les aiderons pour que leur miel pétille au palais de ta chaleur et ravissent les papilles de mon goût sucré ! »
Florion d’or trop pressé aurait bien aimé revenir en arrière, mais il dût patienter une année entière et endurer encore une saison d’hiver avant de se retrouver en terre, au milieu des entrelacs de Liseron, de ses résolus rhizomes, si solidairement enchevêtrés.
Et c’est en mettant en commun Sans plus aucun dédain La richesse de leurs desseins Que Florion et Liseron purent enfin Sur un même bout de terrain Offrir le meilleur à chacun Et finir par ne faire qu’un.
Avec le printemps, c’est la bataille au jardin ! Comment se faire une place au soleil ? Voici comment Florion et Liseron s’en sont débrouillés… Si vous avez des propositions de permaculture, merci de nous les partager en commentaire :-) ***
Une part de vous s'éveille et a besoin de trouver de l'apaisement ? Peut-être pourriez-vous la lui offrir en lui proposant une pause ou éclairage nouveau au travers de l'une de ces approches ? https://www.sophiebedourede.com/eventail-d-approches Si tel est le cas, je vous accueillerai et vous accompagnerai avec plaisir. À bientôt !
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